
TIBESTI - 1942 - Leclerc en compagnie des hommes de la patrouille néo-zélandaise LRDG

Les campagnes du Fezzan
1942-1943
Le déclenchement de l’offensive au Fezzan dépend étroitement de la grande offensive britannique en direction de Tripoli.
Or, à la fin de 1941, les Britanniques repoussent les italiens vers Benghazi mais sont arrêtés par la contre-offensive du général Rommel.
Il faut attendre l’offensive réussie du général Montgomery, chef de la 8e armée britannique, contre les forces de l’Axe à El Alamein, début novembre 1942, pour que la jonction soit possible.
Leclerc décide alors de réaliser des opérations de harcèlement contre l’ennemi, sans s’engager à fond, pour ne pas laisser ses hommes inoccupés.
Il lance ses colonnes sur plusieurs axes pour attaquer les postes italiens.
Déclenchée le 17 février 1942, la première campagne du Fezzan s’achève le 14 mars.
Leclerc y a engagé 500 hommes et 150 véhicules qui ont mené une guérilla motorisée sur un territoire grand comme la France.
Les oasis de Tedjeré et Ouaou el-Kébir tombent respectivement les 28 février, 1er et 7 mars.
L’opération échoue devant Oum el-Araneb.
La présence de deux compagnies italiennes rend la situation difficile d’autant plus que les avions italiens et allemands se montrent très actifs.
La saison sèche arrivant, Leclerc ordonne le repli, le 7 mars. Le combat a été éprouvant. Les problèmes logistiques sont considérables.
Leclerc profite de cette pause pour renforcer ses moyens en matériels et parfaire l’entraînement de ses hommes.
Le 22 décembre 1943, Ouigh el-Kébir est occupé et devient la base d’opérations.
Début janvier 1943, les oasis tombent les unes après les autres. Le Fezzan est conquis.
Leclerc est à Tripoli le 26 janvier.
La jonction avec les Britanniques est faite.
Documents +
COMMUNIQUÉS DE LECLERC À BRAZZAVILLE 1942-1943
Communiqué n° 1 du Général Leclerc (Brazzaville, 25 décembre 1942) Depuis deux jours, les Forces Françaises Combattantes du Tchad sont aux prises avec l’ennemi au Fezzan. Un détachement motorisé ennemi a été mis en déroute par les premiers éléments. Communiqué n° 2 du Général Leclerc (Brazzaville, 27 décembre 1942) Les opérations continuent à se dérouler d’une façon satisfaisante, appuyées efficacement par les avions du groupe ” Bretagne.” Communiqué n° 3 du Général Leclerc (Brazzaville, 3o décembre 1942) Les combats continuent dans la région du Fezzan. Communiqué N° 4 du Général Leclerc (Brazzaville, 30 décembre 1942) Dans le Sud du Fezzan, nos éléments motorisés continuent leur progression. Communiqué n° 5 du Général Leclerc (Brazzaville, 3o décembre 1942) Le Groupe “Bretagne” a effectué le bombardement de l’aérodrome de Sebha. Au moment du bombardement, de nombreux avions se trouvaient sur cet aérodrome. Un important incendie a été observé. Tous nos avions sont rentrés à leur base. Communiqué n° 6 du Général Leclerc (Brazzaville, 1er janvier 1943) Les combats continuent à se dérouler favorablement. Un avion ennemi, qui tentait de s’opposer à la progression de nos éléments, a été abattu. Communiqué n° 7 du Général Leclerc (Brazzaville, 1er janvier 1943) Un groupement des Forces Françaises Combattantes, sous les ordres du Colonel Ingold, a bousculé une colonne motorisée ennemie. Au cours de la poursuite, nos éléments ont capturé un (canon ?) et une voiture, et ont relevé plusieurs morts ennemis. Les Forces Françaises n’ont subi aucune perte. L’aviation française a continué ses opérations offensives en bombardant le poste italien de Mourzouk. Nos avions de combat ont également mitraillé au sol des détachements ennemis qui occupaient la Palmeraie. A la suite de toutes ces opérations tous nos appareils sont rentrés à leurs bases. Communiqué n° 8 du Général Leclerc (Brazzaville, 3 janvier 1943) A plusieurs centaines de kilomètres de la frontière Tchado-Libyenne, nos forces motorisées poursuivent leur progression vers le Nord. Raids de notre aviation sur plusieurs postes ennemis. Communiqué n° 9 du Général Leclerc (Brazzaville, 5 janvier 1943) Entre nos éléments motorisés et l’ennemi, les combats continuent, rendus extrêmement difficiles et pénibles en raison des conditions atmosphériques tris défavorables. Communiqué n° 10 du Général Leclerc (Brazzaville, 6 janvier 1943) Les conditions atmosphériques, s’étant améliorées, les troupes françaises combattantes continuant leur progression ont bloqué une nouvelle importante position ennemie. Des colonnes motorisées ennemies, qui tentaient de dégager cette position, ont été vigoureusement repoussées, et ont dû se replier vers le Nord. Le groupe ” Bretagne ” continue à appuyer efficacement les opérations. Communiqué n°11 du Général Leclerc (Brazzaville, 7 janvier 1943) Après trois jours de combats et de violents bombardements, les troupes du Colonel Ingold ont enlevé la position-clé de Oum-el-Araneb, qui a -Capitulé le 4 janvier. Cette position était très fortement tenue par l’ennemi, qui a laissé entre nos mains plusieurs centaines de prisonniers, dont une dizaine d’officiers, to canons, un grand nombre de mitrailleuses, de mortiers et un matériel considérable. Communiqué n° 12 du Général Leclerc (Brazzaville, 8 janvier 1943) La position ennemie de Gatroun a capitulé le 6, laissant entre nos mains environ 177 officiers et hommes de troupe, et un important armement pas encore dénombré. C’est le groupe nomade méhariste du Tibesti, qui, sous les ordres du Capitaine Sarazac, après avoir couvert des centaines de kilomètres en un temps record, n’a laissé aucun répit à l’ennemi et a enlevé cette position. Le groupe ” Bretagne ” a entièrement détruit le hangar d’aviation, les ateliers de Sebha et un dépôt de munitions situé à proximité immédiate. Communiqué n° 13 du Général Leclerc (Brazzaville, 9 janvier 1943) La défaite ennemie se transforme en déroute. Nos éléments avancés ont déjà occupé Brach. D’autres garnisons sont bloquées par nos troupes. Brach est à plus de 200 kilomètres au Nord-Ouest d’Oum-el-Araneb et à Communiqué n° 14 du Général Leclerc (Brazzaville, 11 janvier 1943) Dans le Nord du Fezzan, les opérations continuent avec succès. L’organisation administrative et militaire des territoires conquis par les Forces Françaises Combattantes se développe rapidement. Le Lieutenant- Colonel Delange a été désigné Commandant militaire du Fezzan. La vie économique du pays a déjà repris. Communiqué n° 15 du Général Leclerc (Brazzaville, 12 janvier 1943) La conquête du Fezzan est maintenant terminée; les troupes du Colonel Ingold ont occupé Mourzouk, capitale religieuse, et Sebha, principal centre militaire ; les garnisons ont été presque entièrement faites prisonnières, nos éléments avancés ont largement progressé vers le Nord où un engagement a eu lieu avec un détachement motorisé ennemi. Après un vif combat l’ennemi s’est replié, laissant entre nos mains une voiture de combat et un important matériel de guerre. Communiqué n° 16 du Général Leclerc (Brazzaville, 14 janvier 1943) En moins de trois semaines, les troupes de la France Combattante ont conquis tout le territoire du Fezzan. Le bilan de cette campagne se chiffre déjà par plus de 700 prisonniers, 40 canons, 18 chars de combat, ainsi qu’un nombre important d’armes et de véhicules capturés par les Français. Trois nouveaux drapeaux viennent s’ajouter aux quatre qui ornent déjà la Salle d’honneur du Régiment de Tirailleurs Sénégalais du Tchad. Communiqué n° 17 du Général Leclerc (Brazzaville, 20 janvier 1943) Les troupes du Colonel Ingold, attaquant à la gauche de la elle Armée, progressent vers le Nord. Communiqué n° 18 du Général Leclerc (Brazzaville, 21 janvier 1943) La liaison a été établie par le Colonel Carretier entre les Forces Françaises Combattantes et les troupes françaises de la région de Djanet. Le Général Leclerc leur avait demandé d’occuper Ghât dans lequel se trouvaient encore des Italiens que la prise du Fezzan avait empêchés de s’échapper vers le Nord. Communiqué n° 19 du Général Leclerc (Brazzaville, 24 janvier 1943) Après une lutte acharné; les troupes motorisées du Lieutenant-colonel Dio se sont emparées, le 20 janvier, d’une position ennemie très fortement tenue couvrant Mizda. Un important matériel a été capturé. Le lendemain, nos troupes occupaient Mizda, centre de résistance ennemie, très solidement tenu dans le but d’interdire, par le Sud, l’accès au Djebel Nefoussa que la HèmeArmée britannique débordait par le Nord. Le Capitaine Troadec s’est particulièrement distingué au cours de cette affaire. L’ennemi en déroute laisse sur le terrain ses tués, ses blessés et un important matériel. Communiqué n° 20 du Général Leclerc (Brazzaville, 25 janvier 1943) Dans le Djebel Nefoussa, où nos éléments ont pénétré, l’ennemi est poursuivi sans relâche. Communiqué n° 21 du Général Leclerc (Brazzaville, 26 janvier 1943) Après avoir traversé le Djebel Nefoussa, un détachement des Forces Françaises Combattantes, sous les ordres du Capitaine Farret, a atteint Tripoli le 25 janvier. Il a pris liaison avec le Commandement britannique. C’est donc en 39 jours seulement, après avoir quitté le Tchad, que ces hommes ont atteint la côte de la Méditerranée, surmontant ainsi des difficultés de toute nature provenant de l’ennemi aussi bien que du terrain. Communiqué n° 22 du Général Leclerc (Brazzaville, 29 janvier 1943) Les troupes du Tchad, poursuivant leur avance, se sont emparées, le 26 janvier, des postes de Derg et de Ghadamès à la frontière de la Tunisie, en faisant plus de 100 prisonniers. Un important matériel est tombé entre nos mains. Communiqué n° 23 du Général Leclerc (Brazzaville, 3 février 1943) Le nombre de prisonniers faits à Ghadamès, le 26 janvier, par les troupes du Tchad, est 310 et non 100 comme il avait été annoncé précédemment. Le matériel capturé est très important et n’a pu être encore recensé. Communiqué n° 24 du Général Leclerc (Brazzaville, 4 février 1943) Le Général Delay, venu d’Ouargla, a pris liaison, le 2 février, avec le Général Leclerc à Ghadamès. Une émouvante prise d’armes, comprenant des troupes de la France Combattante et des troupes du territoire Sud-Algérien, a eu lieu en terre étrangère conquise par des armes françaises. Les relations très cordiales à tous égards, établies entre les officiers et les combattants, ont montré, une fois de plus, que l’unité française sera rétablie le jour où auront disparu les grands coupables de la capitulation et de la collaboration.
|
AVEC LE GÉNÉRAL LECLERC AU FEZZAN
AVEC LE GÉNÉRAL LECLERC AU FEZZAN
Nos lecteurs connaissent, au moins de nom, l’auteur américain, M. Hassolt Davis, dont l’oeuvre souvent attachante est très prisée aux Etats-Unis. M. Hassolt Davis a bien voulu donner, pour les lecteurs de ” Centre-Afrique “, la traduction du dernier récit qu’il fit à la Radio pour ses compatriotes, afin de leur conter les exploits du Général Leclerc et de ses hommes au Tchad et au Tibesti. Nous ne doutons pas que ces pages soient lues avec intérêt et plaisir. ” Je reviens d’une randonnée de six mille cinq cents kilomètres à travers le désert du Tchad (le premier territoire qui ait rallié le Général de Gaulle) et les fabuleuses montagnes du Tibesti, voyageant tantôt en camion, tantôt à dos de chameau et enfin en avion. J’ai eu l’honneur de faire cette dernière étape en compagnie du Général Leclerc, le commandant des fameuses troupes qui se sont récemment emparées de cinq postes avancés italiens. Je doute qu’on puisse trouver dans toute la dure campagne africaine un exploit militaire plus héroïque et qui ait exigé une plus grande ténacité. Cet exploit .a valu au Général Leclerc d’être nommé Commandant en Chef de toute l’Afrique Française Libre. Je voulais voir de mes propres yeux ces hommes qu’un chef avait conduits à travers le désert, ainsi que la région infernale et légendaire qu’ils avaient parcourue par étapes. Ces hommes et ces territoires je les ai vus et ils me sont maintenant familiers. J’ai encore le goût du sable dans la bouche au moment où je vous parle. L’enfer de Dante n’aurait pu offrir rien de pire que cette région désolée, habitée seulement par quelques nomades et bédouins. ” Les premiers détachements revenaient de Libye, après avoir traversé une tempête de sable, lorsque nous arrivâmes à l’oasis fortifiée d’Al Faya : des animes blancs couleur de terre brûlée, souriant de leurs lèvres fendues et gercées par le soleil, semblables à des saucisses que la cuisson a fait éclater. Il n’y avait pas de femmes pour les recevoir, pour les choyer; pas même de ces consolatrices professionnelles que les Allemands et les Italiens envoient généreusement à leurs troupes du désert, car il est interdit aux femmes blanches de venir ici. Il n’y avait que des hommes, des combattants, et dans leurs rangs se trouvaient des Saras, à la figure ratissée de cicatrices régulières, des Touaregs, la tête recouverte d’un voile bleu à la manière des femmes, mais aussi féroces que de grands singes, des Toubous décharnés descendus de leurs montagnes. Toute une année ils avaient attendu le signal du combat, jusqu’au moment où le Général les envoya avec leurs camions vers le Nord. Pour franchir le massif des montagnes de Tibesti, à trois mille trois cents Mètres d’altitude ils durent se construire leur propre route. Dans les vallées sablonneuses ils devaient mettre –devant les roues de leurs véhicules des plaques de tôlés ondulées sur lesquelles ils passaient, les ramassant, puis les replaçant plus loin, et ainsi de suite. Il leur fallut pendant six semaines se cacher, ‘eux et leurs camions, dans les grottes des montagnes chaque fois que des avions de reconnaissance ennemis évoluaient au-dessus de leur tête. Comme leurs provisions tiraient à leur fin, alors qu’ils s’approchaient du poste. de Uigh-el-Kébir et traversaient une forêt pétrifiée, ils durent prendre au filet des gazelles qu’ils mangèrent crues n’osant risquer un coup de fusil ou allumer du feu de peur de donner l’alarme. Quand ils arrivèrent je poste fut entièrement pris au dépourvu. ” Il en fut de même pour El-Gatroun. Ne voyageant que la nuit afin d’éviter d’être aperçus par les avions ennemis, se guidant à la boussole et balayant les traces de leurs passages, et au cours de la dernière nuit, poussant silencieusement leurs voitures ou les faisant tirer par des chameaux” parvinrent finalement à encercler le fort. Aux premières heures du jour, un officier français prit sa canne, passa nonchalamment devant les sentinelles indigènes accroupies, et entra dans la pièce où commandant italien se trouvait occupé à compter l’argent de la paie, car ceci se passait à la fin du mois. Il frappa le commandant sur l’épaule. “Amshi ! Amshi ! Va-t-en ! ” Dit l’Italien sans même relever les veux croyant avoir affaire à un planton indigène. Le ‘Français lui demanda doucement : ” Cela vous ennuierait-il de me payer maintenant, votre fort est encerclé “. Son revolver était placé contre la nuque de l’Italien. |
ORDRE DU JOUR DU 17 MARS 1942
ORDRE DU JOUR Forces de l’Afrique Française combattante Commandant Militaire du TCHAD Un détachement de troupes terrestres et aériennes du TCHAD vient d’opérer pendant plusieurs semaines en territoire ennemi, au milieu d’organisations défensives importantes, à plusieurs centaines de kilomètres de ses bases. Quatre postes fortifiés ont été pris, plus de 50 prisonniers faits, plusieurs dépôts importants d’essence et de munitions incendiés, de nombreuses armes automatiques emportées ainsi que trois avions détruits. Trois drapeaux dont un déchiré par nos projectiles ont été pris et prendront place dans la salle d’Honneur du Régiment, en face de celui de Koufra. Ces résultats sont dus à l’audace et à la bravoure des combattants mais aussi au travail acharné de tous ceux qui les ont aidés. Nous ne sommes pas encore mûrs pour l’esclavage. VIVE LA FRANCE Largeau le 17 Mars 1942 Le Général Leclerc, Commandant Militaire du Tchad. Signé : LECLERC. |
PRISE DU POSTE DE TEDJÉRÉ
Prise du poste de TEDJÉRÉ
Grâce à la complaisance de notre camarade Charles Béné, ancien radio du capitaine Poletti au Groupe Nomade de Borkou puis des Transmissions de la 2° D.B., nous publions ce témoignage extrait de son livre “Carnets de route d’un Rat du désert, Alsacien de la France Libre” (Imprimerie Fetzer, 88110 Raon-l’Etape). La nuit tombait lorsque le commandant– Dio et son Groupement d’attaque se remirent en route. La lune montante remplaçait d’une façon satisfaisante les phares des voitures qui, bien que ternis à la colle et au sable, n’auraient pu être allumés, pour ne pas éveiller l’attention de l’ennemi; celui-ci n’était pas bien loin mais ne pouvait imaginer qu’une colonne motorisée fût parvenue à passer la “Ramla”. Nos nerfs étaient tendus. Les voitures se suivaient lentement à courtes distances. Heureusement nos goumiers-guides connaissaient parfaitement la région. Il pouvait être onze heures du soir lorsque nous atteignîmes le terrain d’aviation de Tedjéré. Il en portait simplement le nom car ce n’était qu’un terrain plat et dur balisé avec des tonnelets d’essence vides, comme je pouvais le constater le lendemain à l’aube. Sur ce terrain, ni avion ni hangar. Dès l’arrêt, le commandant Dio me donna l’ordre de monter mon poste radio. Mes tirailleurs installèrent rapidement l’antenne, travail facilité par la pleine lune qui brillait au- dessus de nos têtes. Le vent de sable s’était totalement calmé, niais il soufflait néanmoins encore une forte bise d’hiver. Du côté du fort de Tedjéré, rien n’avait bougé : nous n’avions pas été repérés par les Italiens. Si ! Soudain une fusée blanche monta au loin sur notre gauche. Le bruit de nos moteurs avait-il été entendu ? Le capitaine Poletti envoya immédiatement le lieutenant d’Abzac et un groupe de tirailleurs en reconnaissance. Les voitures s’étaient formées en carré. Pendant ce temps, le commandant Dio rédigea un message codé pour transmission au P.C. du Colonel. L’ordre d’opération levait le silence radio au premier mars. Je suppose qu’aucune heure n’y était précisée sinon le commandant Dio ne m’aurait pas ordonné de mettre mon poste en fonctionnement. La ridelle arrière de mon camion étant rabattue, le couvercle baissé de ma caisse radio servait de table de manipulation. Le sergent Brousse apporta une baladeuse qu’il brancha sur la batterie de la voiture. Dio apporta son message. Il comportait trois ou quatre lignes de groupes de cinq lettres. Comme il devait attaquer Tedjéré le vingt-huit février au soir, il rendait compte de notre situation et des difficultés rencontrées. Etant donné que nous étions certainement visibles du poste de Tedjéré, il fallait cacher la lumière qui m’était indispensable pour travailler. Dio, Poletti et mon camarade Jan tendirent par la gauche une couverture au-dessus de moi (mon camion n’était pas placé perpendiculairement au fort et il n’avait plus été possible de le déplacer). Ce n’était pas chose tellement facile pour eux car le vent soufflait encore de temps en temps en rafales. Le coeur serré, tandis que mes deux tirailleurs tournaient le ragonot, j’émettais l’indicatif du P.C. du Colonel suivi du mien. Pas de réponse. J’insistais pendant cinq longues minutes. Toujours pas de réponse. L’adjudant Montagne, le radio du Général, avait-il son poste en panne ou bien n’était-il pas sur écoute ? Il était minuit trente et il dormait certainement. Les écoutes étaient prévues pour des horaires en H + 15. On verrait le lendemain matin. Il ne me restait qu’une solution : transmettre ce message en l’air. Zouar, qui était peut- être en écoute permanente pouvait prendre le message et le transmettre au P.C. du Colonel à sa première liaison. Je transmis donc trois fois le message en l’air mais n’obtins aucune réponse. Cela me prit au moins vingt minutes étant donné qu’entre chaque transmission j’écoutais si quelqu’un m’accusait réception. Mes deux chefs avaient l’air plutôt contrarié lorsque je leur dis qu’il était inutile d’insister*. Je donnai donc ordre à mes tirailleurs de démonter l’antenne et de remballer la génératrice ragonot. La patrouille envoyée en reconnaissance vers le poste de Tedjéré revint sans avoir remarqué le moindre mouvement de la part des Italiens. Un silence pesant était tombé sur cette nuit froide. Mais un grand mystère planait car, soudain, la clarté de la lune s’estompa de plus en plus. Il n’y avait pourtant pas le moindre nuage dans le ciel! Puis ce fut la nuit noire, opaque. Une éclipse totale de la lune ! Les tirailleurs ne disaient mot et une même angoisse devait certainement se manifester chez les Askaris du fort. Leclerc savait-ii qu’une éclipse totale de la lune se produirait cette nuit du vingt-huit février 1942 prévue pour son attaque sur les postes italiens du Fezzan ? Ce phénomène pouvait avoir une influence sur le caractère superstitieux des Askaris libyens. Nous n’étions pourtant pas prévenus. Fatigués, les nerfs tendus, il nous était difficile de trouver un peu de sommeil. C’était ma première nuit de guerre, demain nous connaîtrions l’affrontement. Loin de notre Tchad, nous devrions gagner, ou finir dans un camp de prisonniers… Nous étions le premier mars 1942, premier anniversaire de la victoire de Koufra. Allions-nous pouvoir rééditer cet exploit ? Le colonel Leclerc n’avait certainement pas choisi au hasard le premier mars comme jour J de son attaque sur les postes du Fezzan. Une aube glaciale se levait sur le terrain d’aviation de Tedjéré. La brume planant sur cet endroit désolé donnait un aspect lugubre à notre colonne prête pour le départ. Avec nos barbes de huit jours, le chèche autour de la tête, emmitouflés dans nos frusques mi-civiles, mi- militaires, nous avions l’air de combattants de la préhistoire. Seuls Dio, Poletti et d’Abzac portaient toujours, malgré la proximité de l’ennemi, leurs vieux képis de la Coloniale, mais ils n’avaient pas meilleure mine que nous. Les tirailleurs étaient déjà accroupis sur les camions, silencieux, leurs armes à la main. Eux aussi partaient à la guerre pour la première fois. Chacun savait que l’ennemi était proche, qu’il nous guettait peut-être. Son silence pouvait faire partie de sa tragédie pour mieux nous accueillir. Le vent de sable revenait progressivement. Avec précaution, sans emballer les moteurs de nos lourds Chevrolet, le Groupement se dirigea vers une petite palmeraie située à quelques kilomètres plus au nord, En prenant comme repère-la fusée tirée dans la nuit par l’ennemi, nous nous plaçâmes au nord du fort. La manoeuvre se développa sans rencontrer âme qui vive. Le capitaine Poletti fit placer ses véhicules contre de jeunes palmiers, bien touffus. Les filets de camouflage n’étaient pas mis sur les camions qui furent tous recouverts de branches de palmiers rapidement coupées par les tirailleurs. A l’aide d’autres branches de palmiers, les traces laissées dans le sable furent soigneusement effacée par un groupe de tirailleurs. Bientôt, à travers le vent de sable, nous pouvions distinguer vaguement la silhouette encore floue du poste de Tedjéré. Pour tromper d’éventuelles reconnaissances de l’aviation ennemie et lui faire croire que notre colonne, entendue peut-être au passage au large du poste, ne s’était pas arrêtée devant Tedjéré, le break de Dio fit rapidement la navette entre le terrain d’aviation et une autre palmeraie située encore plus au nord. Entre-temps j’avais monté mon poste de radio. A sept heures quinze, j’essayai d’entrer en contact avec le P.C. du Colonel afin de savoir si mon message de la nuit avait été reçu ou si je devais le repasser. Plusieurs appels de son indicatif restèrent sans réponse. Peu après moi, le poste de la colonne du commandant Hous qui s’était rendue à Gatroun essaya en vain, lui aussi, d’entrer en contact avec le P.C. Qu’était-il arrivé à la radio de Leclerc ? J’avais reconnu la manipulation de mon camarade Pecqueur qui avait effectué l’année passée la reconnaissance sur le puits de Sarra avec le commandant Hous. En code morse, je lui demandai simplement : “All OK ?” Il me répondit : “OK 5/5”.Cela voulait bien signifier que tout allait pour le mieux. Il nous était strictement interdit d’échanger des paroles en clair. Ce contact avec la colonne Hous me rassura sur le bon fonctionnement de ma radio. Je fis immédiatement coucher les mâts de mon antenne en duralumin et les recouvrir de sable pour qu’ils ne brillent pas au soleil qui allait certainement percer bientôt. Au commandant Dio, qui se trouvait à proximité, je rendis compte de mon nouvel échec pour entrer en liaison avec le P.C. du Colonel, mais de mon contact, en revanche, avec la radio de la colonne Hous où tout semblait se dérouler favorablement. A part le vent de sable, qui paraissait moins fort que la veille, il régnait un calme absolu, interdiction étant donnée aux tirailleurs de se déplacer à l’intérieur de notre dispositif. Chacun profita de ce répit pour manger quelques biscuits, quelques dattes séchées ou grignoter un morceau de viande boucanée. Il n’était pas question d’allumer du feu. En silence, chacun avait aménagé dans le sable, sous les basses branches des palmeraies, un trou pour se protéger en cas de bombardement. L’aviation italienne, sans doute alertée, allait certainement effectuer des vols de reconnaissance sur la région. Pendant que j’effectuais ma vacation radio, mon fidèle Mandi’Baye m’avait creusé un trou à côté de mon camion et cela avant de creuser le sien.’ Il était huit heures passées, lorsqu’un sourd vrombissement de moteur d’avion se fit entendre. Ce bruit semblait venir du nord. A travers les branches de palmiers qui recouvraient les trous de protection, environ cent cinquante paires d’yeux scrutaient le ciel. Le bruit se rapprocha. Le voilà au-dessus de nous. C’était l’immense masse sombre, volant bas, d’un “Savoïa” ou d’un “Ghibli”. Je ne m’y connaissais pas encore en identification d’avions ennemis. Il survola le poste en virant à gauche puis longea la lisière de la palmeraie dans laquelle nous étions camouflés. Ni bombes ni mitraillage. Nous n’étions donc pas repérés. A présent il s’agissait d’être sur nos gardes car il pouvait revenir. Ce survol sans intervention quelconque de l’avion nous donnait la certitude que la garnison de Tedjéré ne se doutait absolument pas d’une présence ennemie toute proche. Vers onze heures, le vent de sable faiblit encore. Maintenant, à la jumelle, on pouvait distinguer nettement la masse imposante du fort. Un glacis d’environ trois à quatre kilomètres nous en séparait. Le portail d’entrée se trouvait face à nous. Il était protégé par des sacs de sable. Sur son côté gauche une petite porte permettait aux hommes d’entrer et de sortir. Nouvelle preuve que nous n’étions pas repérés, des Askaris italiens, balai en main, vaquaient à des corvées de nettoyage devant le poste… Soudain, l’appel d’une de nos sentinelles, placées au nord de notre dispositif, rompit le silence devenu presque accablant. A environ trois cents mètres, deux silhouettes de chameaux se profilaient au haut d’une dune. Elles approchaient à grands pas et bientôt nous pûmes distinguer que les deux cavaliers de ces chameaux étaient armés. Sur un ordre bref du capitaine Poletti, une section de tirailleurs se développa en formation de combat avec interdiction de se servir de armes sans nécessité absolue.- Les hommes étaient nerveux, impatients, chacun voulait participer à la capture de ces ennemis, deux malheureux Askaris qui ne se doutait encore de rien. Si nos vaillants tirailleurs du Tchad progressèrent avec discipline pendant les premiers cinquante mètres en utilisant le terrain, comme cela leur avait été enseigné lors des manoeuvres effectuées à Kirdimi, voilà que brusquement la progression se transforma en une course folle que le sous-officier européen qui les commandait ne fut plus en mesure de freiner. Chacun des tirailleurs et goumiers voulait avoir la gloire de faire ces premiers prisonniers. Lorsque les deux Askaris se rendirent compte de leur situation, lorsqu’ils comprirent qu’ils étaient cernés par des “Degaullistis”, ils jetèrent leurs armes. L’adjudant Ferrano, qui avait dirigé l’opération, amena les deux prisonniers au commandant Dio. Celui-ci chargea Poletti de les interroger. Les deux Askaris déposèrent à ses pieds deux sacs de courrier destinés au poste de Tedjéré. Un vieux Fezzanais, à la courte barbe blanche, coiffé d’une espèce de bonnet et portant une large djellaba, se tenait à côté de Poletti. Je l’avais remarqué à plusieurs reprises soit sur la voiture de Dio, soit sur celle de Poletti. Il avait toujours une petite badine en cuir à la main. Je l’avais pris pour un vieux guide fezzanais qui connaissait parfaitement cette région. C’était en réalité le Bey Hamed, le chef religieux des Senousis du Tchad, celui qui, lors de l’opération de Koufra, avait remis une lettre d’introduction au Colonel Leclerc pour les Fezzanis de l’oasis. Pour cette nouvelle opération, le Bey Hamed avait demandé de pouvoir faire partie de la colonne se rendant à Tedjéré. J’envoyai immédiatement Mandi’Baye me chercher mon appareil photo pour fixer sur la pellicule ce personnage historique. Le capitaine fit ouvrir les deux sacs postaux:- Ils refermaient le courrier pour la garnison de Tedjéré, la solde du mois de mars et deux bouteilles d’apéritif genre Martini**. Les deux askaris, questionnés par le Bey Hamed, ne firent aucune difficulté pour donner tous les renseignements qu’il leur demandait. A l’occasion de cet incident, on pouvait se demander si cette fantasia de nos tirailleurs n’avait pas été remarquée par les occupants du fort. A l’heure de midi, le vent de sable était pratiquement tombé, la visibilité était devenue parfaite. Le lieutenant Ceccaldi, qui avait fait avancer ses véhicules avec précaution, mit son Howitzer en batterie. Sur l’ordre du commandant Dio, il ouvrit le feu sur le poste. Ses tirs étaient espacés régulièrement. A chaque départ d’obus, on guettait l’écho de son arrivée. A chaque impact sur le fort, on voyait s’élever dans le ciel un nuage de poussière Pendant que se déroulait cette préparation d’artillerie, les tirailleurs du G.N.B. avec en tête le commandant Dio et le capitaine Poletti s’infiltraient vers le nord- ouest du poste. Les deux sections de l’aspirant Le Calvez et de l’adjudant Ferrano profitaient d’un terrain idéal constitué par une suite de petites dunes, de nombreuses touffes de jeunes palmiers et d’épineux. Seule la section du capitaine d’Abzac ne participait pas à l’opération, car elle était chargée d’assurer la protection de l’artillerie et de la base du Groupe. Son visage reflétait sa déception : pour la seconde fois il était laissé à l’écart du combat. A présent un nuage de fumée et de poussière recouvrait entièrement le poste. Cet ouvrage saharien était aussi construit en banco, ces briques de terre séchée. Comme rien ne bougeait, nous nous demandions si la garnison allait se laisser exterminer sans riposter. Le poste n’était pas abandonné étant donné que nous avions vu des askaris balayer devant sa porte dans la matinée. Non, les Italiens étaient toujours là, car une vive fusillade se fit entendre soudain dans la direction où étaient parties nos deux sections. Après le trentième obus de Howitzer envoyé avec précision sur le fort par le lieutenant Ceccaldi, les Italiens réalisèrent que leur situation était devenue compliquée. Le poste de Tedjéré servait de point d’attache à un Groupe nomade italien, le “Méharisti Delo Sciati”, dont les hommes se trouvaient au poste en attendant l’arrivée de leur solde mensuelle. Comme leurs chameaux se trouvaient à proximité du village indigène, à l’ouest du fort, leur seul espoir était de pouvoir rejoindre encore leur troupeau et de s’éclipser dans la nature pour se réorganiser. Ils n’avaient aucune idée de l’importance des forces ennemies qui venaient de les surprendre en s’annonçant avec des obus d’un calibre jamais utilisé en cette région saharienne dont ils savaient que l’accès était particulièrement difficile. – Les fuyards furent immédiatement repérés par la section de l’aspirant Le Calvez qui se lança à leur poursuite en engageant le combat à très courte distance. Les Italiens couvrirent néanmoins leur retraite par une résistance assez vive qui ne prit fin que dans la soirée. Sous le couvert du vent de sable qui s’était de nouveau levé ils purent s’esquiver en laissant sur le terrain plusieurs morts, dont un lieutenant italien qui commandait un peloton du Groupe méhariste. Nos propres pertes étaient minimes : un goumier tué et six blessés dont quatre légèrement qui purent réintégrer leurs sections après avoir reçu des soins du médecin-capitaine Mauric, le toubib de notre colonne. Les plus sérieusement touchés étaient le sergent Ferry, atteint par balle à l’épaule, et le caporal-infirmier Mahamat, blessé par balle à une cuisse. La capitaine Mauric les soigna sur place, mais pour le moment leur évacuation vers la base de Uigh-el-Kébir n’était pas envisageable. Le commandant Dio qui avait dirigé l’engagement revenait de loin… Une balle italienne avait traversé son vieux képi. Cette obstination de nos officiers de ne pas porter de casque métallique au combat risquait bien, un jour, de leur jouer un mauvais tour. Cependant la “baraka” avait été non seulement avec notre chef, mais avec mon camarade “Kiki” Thuilliez qui devait la vie sauve à la crosse en bois de son pistolet-mitrailleur fracassée sur sa poitrine par une balle. Dans la soirée, mes deux tirailleurs remontèrent l’antenne de la radio puis le capitaine Poletti m’apporta un télégramme codé par lequel il rendait compte des événements de la journée. Le poste du Colonel restait toujours muet mais je parvins sans difficulté à le passer à Zouar***. Y avait-il encore quelqu’un dans le poste de Tedjéré ? C’était la question que se posait le commandant Dio à l’aube du deux mars. Le vent de sable et la brume ne permettaient guère de voir si le drapeau italien y flottait toujours. Dio avait- il pensé la veille à regarder s’il y était encore après la sortie des Italiens ? Toute la garnison ne l’avait peut-être pas évacué et certains rescapés de l’engagement. Le lieutenant Ceccaldi n’avait pas repris ses tirs. Tout était calme. Au P.C. du Groupement la discussion allait bon train entre Dia et Poletti. Je me trouvais à côté d’eux. La grande question était de savoir comment investir la place forte protégée par un profond terrain entièrement découvert. Il était aussi indispensable d’attendre que la visibilité revienne pour reprendre des tirs sur le fort ou voir y régner une animation quelconque. Nous étions là à attendre dans l’aube glaciale. Nous étions des combattants aux mines vraiment patibulaires, sales, le visage fatigué. Nos tirailleurs accroupis près des voitures n’avaient guère meilleure mine. Je n’avais pas encore fait remonter les mâts d’antenne de la radio car, avec le vent de sable qui régnait déjà, toute écoute correcte était impossible. Peu après neuf heures un bruit de moteur se fit entendre du côté du terrain d’aviation, bruit qui se rapprocha rapidement. Une voiture se dessina sur la dune qui nous séparait du terrain. Elle fonçait vers nous à toute allure. C’était le pick-up de Leclerc, suivi à distance des autres voitures de son P.C. Le Colonel, resté à Uigh-el-Kébir avec son P.C., n’avait au soir du premier mars que peu de nouvelles des différents pelotons qui, en principe, étaient tous entrés en action le vingt-huit février au soir. Il nous savait accrochés à Tedjéré mais il n’avait pas le moindre renseignement sur la situation des colonnes Hous et Massu avec lesquelles aucun contact radio n’avait été établi. Il décida donc en pleine nuit du premier et deux mars d’aller se rendre compte lui-même de ce qui se passait à Tedjéré d’abord, à Gatroun ensuite. La pleine lune lui facilitait un déplacement de nuit en suivant les traces laissées encore çà et là par le Groupement Dio. Mais Leclerc buta aussi sur la ” Ramla “. Lui-même aida à mettre les tôles et à pousser sa voiture. Il ne s’en sortit qu’après le lever du jour. A l’orée de la petite palmeraie où nous étions cachés, Leclerc descendit de sa voiture. Son inséparable canne à la main il s’approcha. Il devait bien se demander ce que nous faisions à le regarder arriver à travers les branches de palmiers. A grandes enjambées****, le commandant Dio alla à sa rencontre. Son képi troué, sa barbe de huit jours et ses vêtements sales et fripés contrastaient étrangement avec notre chef toujours rasé de frais et impeccable dans son uniforme de fortune. D’un pas rapide ils s’avancèrent vers notre P.C. où se trouvait le capitaine Poletti. La conversation semblait animée. Dio devait exposer la situation créée par l’accrochage de la veille. Les Italiens s’étaient vaillamment défendus. Où se trouvaient-ils maintenant ? Etaient-ils rentrés au fort ? A ses gestes on voyait bien que Leclerc n’était guère satisfait des explications de Dio. Le sergent-chef Thuilliez, qui se trouvait au P.C., m’en fit le récit : “Leclerc arriva à notre P.C. avec Dio. Il n’avait pas l’air content et faisait des grands gestes avec ses mains. Toujours pressé, il demanda un groupe de combat dont il me demanda de prendre le commandement. Puis de sa voix bourrue il m’ordonna : ” En avant vers le fort ! ” Dio et Poletti étaient éberlués, l’attitude du chef était cinglante. Nous partons immédiatement. Il marchait vite, le terrain était sablonneux, j’étais obligé de stimuler les tirailleurs en leur ordonnant sèchement de hâter leurs pas car Leclerc nous précédait. Image impressionnante de ce chef allant, la canne à la main, vers ce poste où il ignorait totalement la présence éventuelle d’ennemis. Notre progression s’effectuait en formation normale d’approche. Nous dépassons notre chef juste avant l’arrivée au fort. Vingt minutes s’étaient écoulées depuis notre départ de la palmeraie. Pas le moindre incident. Nous nous arrêtons devant l’entrée. Un obus était tombé juste devant la porte dont les deux battants en fer pendaient lamentablement. Des sacs de sable éventrés jonchaient le sol. La prudence s’imposait car les Italiens excellaient dans la pose de pièges-sable excentrés jonchaient le sol. La prudence s’imposait car les Italiens excellaient dans la pose de pièges. J’entrai le premier dans le fort. Leclerc derrière moi. Il y régnait un lourd silence. La position était vide, mais de larges flaques de sang sur le sol indiquaient que les obus de Ceccaldi y avaient fait des victimes. Les dégâts n’étaient pas tellement importants. Tout montrait que le poste avait été abandonné comme un bateau qui coule”. Quelques minutes après l’entrée de Leclerc dans Tedjéré, Dio, Poletti et un second groupe commandé par le lieutenant d’Abzac arrivèrent aussi. Le drapeau italien avait été enlevé la veille. D’Abzac eut l’honneur de hisser nos trois couleurs à croix de Lorraine. Pendant que deux sections du G.N.B. se trouvaient à l’intérieur du fort et que Leclerc discutait avec Dio, deux avions ennemis firent leur apparition dans le ciel, l’un était italien, l’autre portait la croix noire de la Luftwaffe. Ils passèrent au- dessus du fort sans bombarder, ils ne s’attaquèrent pas non plus à notre position dans la palmeraie, mais on les entendit mitrailler du côté de l’autre palmeraie située plus au nord. Nous apprendrons dans l’après-midi qu’une section du Groupe Nomade du Tibesti y était arrivée. Les deux Européens qui la commandaient ainsi que tous les tirailleurs avaient été miraculeusement épargnés. Plus loin, quelques camions ensablés furent attaqués avec des petites bombes, mais, tombées dans le sable, ces bombes n’étaient pas bien dangereuses. Seul un caporal européen avait été légèrement blessé par un éclat. 40. Le Colonel était revenu à l’entrée du fort avec Dio, Lorsque, soudain, un vacarme de cris de tirailleurs se fit entendre au nord-ouest. Ils entouraient, en l’amenant, en le bousculant vers le poste, un Italien. Il avait les bras en l’air, il était vert de peur, peur de passer un mauvais moment entre les mains de ces Noirs. Ceux-ci étaient fiers d’avoir fait un nouveau prisonnier ! L’Italien, qui parlait passablement le français, expliqua qu’il était médecin-militaire de passage au poste. Il se trouvait au village indigène avec le capitaine Brachietti, commandant du Groupe Nomade du Sciati. Celui-ci était grièvement blessé, un éclat d’obus lui avait arraché le bras. Son état était très grave. Le prisonnier était désemparé car il était absolument seul; tout le Groupe nomade avait fui à dos de chameaux. Le médecin-capitaine Mauric se rendit auprès du blessé. Il me dira que Brachietti avait eu le bras gauche arraché au ras de l’épaule. Nous ne pouvions l’emmener et on ne saura pas s’il a survécu. |
ALLOCUTION À LA RADIO DE MICHEL PECQUEUX LE 30/01/1998
ALLOCUTION À LA RADIO DE MICHEL PECQUEUX LE 30 JANVIER 1998
Michel PECQUEUX (Radio) |
GOUSSAINVILLE LE 30/1/98 |
Monsieur,
Deux mots pour venir rectifier une erreur au sujet de mon ami MATHOREL, dont je vous ai signalé la présence au centre hospitalier prolongé. Il n’est pas mort pour autant, mais moi-même je n’ai pu avoir de nouvelles de son état de santé actuel. Mon dernier contact avec lui date d’une journée de trafic radio durant les opérations de la Force “L” du 4 Mars 1942. C’était le jour de mon anniversaire, vécu en embuscade sur le site du terrain d’atterrissage de GATROUN avec le 1er peloton de la 1ère DC du lieutenant DUBUT, après avoir participé à ses côtés à la prise du poste fortifié de GATROUN. (Groupe DUBUT, NEVOT, GARCIA). Moi-même j’assurais la couverture avec mon fusil-mitrailleur modèle 29 tandis que le Lt. CHRISTOL était resté en retrait avec le véhicule radio ensablé dans la dépression à quelques centaines de mètres du fort. Le 2éme Groupe du Cdt NOUS avec le sergent GEROLD est venu à notre rencontre quelques instants plus tard. En faisant prisonnier l’un des deux radios de la REGIA TELEGRAFICA du poste j’avais récupéré le code secret de chiffrement des messages du Gal italien MANERINI, commandant le Sud Libyen, tandis que le Lt DUBUT se faisait remettre par le chef de poste le code d’identification des signaux par panneaux au sol.
Après avoir oeuvré toute la nuit pour mettre en défense la position fortifiée, tenté d’intercepter le chasseur-bombardier GHIBLI par la ruse des panneaux au sol. C’était l’idée du Lt DUBUT, opposée à la mienne. Moi j’aurais voulu profiter de la station de TSF intacte, du radio italien à-demi mort de peur devant mon revolver que je venais de récupérer à la Station, sur la table de trafic. Les écouteurs résonnaient des appels en morse d’UM EL ARANEB. Nous autres, les radios du TCHAD avions tellement procédé à l’écoute spéciale des réseaux italiens, du temps où j’étais au Groupe Nomade du Borkou, que j’avais fait comprendre par gestes au radio italien de se mettre à mes côtés pour tromper les opérateurs d’UM EL ARANEB et nous faire envoyer le GHIBLI en dépannage sanitaire. Le Lt DUBUT a refusé cette initiative parce qu’elle ne respectait pas la convention internationale des prisonniers de guerre. Résultat, de bon matin, avec les signaux du sergent DRIFFORT, le GHIBLI est venu au rendez-vous, mais avec un chargement de bombes de 50 kgs et ses mitrailleuses lourdes de 12,7. A ce moment nous étions seuls, le Sergent LE HIR avec son véhicule de 2 T. de ravitaillement et moi, tous deux ensablés, avec nos prisonniers italiens, réfugiés sous nos véhicules, par peur du terrible bombardement (opéré par le GHIBLI) à hauteur des cimes des palmiers du Fort. Durant plus d’un long quart d’heure, ce grand chasseur-bombardier bimoteurs a attaqué mon véhicule radio penché à plus de 90° (?), deux roues sur le radier reliant le terrain d’aviation là-haut sur le serir, les deux autres dans le fech-fech. On ne pouvait plus utiliser notre arme sur son support anti-aérien. Pendant ces terribles minutes, je tirais presqu’à bout portant avec mon arme personnelle, un mousqueton modèle 18, contre les deux mitrailleuses lourdes de l’avion. A chaque passage au-dessus de ma tête j’apercevais les deux pilotes qui se détournaient, abaissant la tête dans le cockpit avant. De nombreuses traces de balles de toutes natures, de couleurs différentes, zigzaguaient sur le sable, provoquant un nuage de poussière. D’autres venaient se loger dans les pneus du sergent LE HIR.
Je l’avais échappé belle ce jour-là, comme bien d’autres par la suite. Mon fétiche en poche m’avait une fois de plus sauvé la vie.
Par la suite l’ai été désigné comme radio du Colonel LECLERC pour l’attaque en direction de la Gara EL GUER (?), et de MAGUEDUL, à la limite du passage obligé de la Ramla de MOURZOUK, au lieu-dit “le radier d’UN EL ARANEB-MAGUEDUL”. L’idée de manoeuvre du Colonel était d’encercler et de détruire le gros des forces motorisées et aériennes de la région FEZZAN-GHADAMES, incluant les avions CR 32 ou 42 FIAT d’accompagnement d’attaque au sol. L’importante concentration ennemie des deux “SAHARIANA” serait attaquée par le regroupement prévu de la 1èreDC française libre, allégée, venue du Sud par UM EL ARANEB sous les ordres directs du Colonel et de la 2è DC, en opération ponctuelle au-delà de la Ramla du Nord, vers T’MESSA.
En réalité, c’était un très gros risque à prendre en raison de gros renforts italo-allemands et de la dispersion élargie de nos forces en pleine zone saharienne de fech-fech et d’ehis (?) ensablés. Opération folle mais possible si on se rendait maître de la situation par des efforts surhumains, pouvant aller jusqu’à la mort d’épuisement (pelles, tôles etc…) ou dans les flammes des explosions de nos véhicules, véritables bombes roulantes. Quelques jours avant, le Capitaine MASSU, son radio BRECHIGNAC grièvement blessé, avait subi un grave échec devant UM EL ARANEB, avec des morts, des blessés, dont l’aspirant LEVY, fait prisonnier, et des disparus, prisonniers ou perdus dans le désert. Au Nord, à hauteur d’OUAOU EL KEBIR, le groupe DE GUILLEBON se retrouve soudainement confronté à une résistance sérieuse des italiens.
Le 4 Mars 1942 vers 14 heures, à mon tour j’emboîte la marche de la colonne “L” avec les derniers éléments du Colonel LECLERC. Après un départ aisé, libéré de mes quatre prisonniers italiens, je côtoie les abords de l’Edeyen de MOURZOUK. De suite nous connaissons les premiers ensablements dans les tertres de fech-fech. (Pelles et tôles en action). L’allure s’intensifie par la suite. Le Colonel souhaite faire vite, occuper pour la nuit EL GUERAT, point d’appui-clé en vue d’UM EL ARANEB, lieu idéal d’embuscade ou de résistance, avant de procéder, par MAGUEDUL, au regroupement de toutes les forces au point prévu avec DE GUILLEBON, sur le serin, au Nord de la ramla. Après d’autres et beaucoup d’autres ensablements, pelles et tôles toujours au combat, nous frôlons le désespoir, tant la fatigue nous accable. Rien à manger, peu d’eau potable, pas de vêtements ou effets valables. En réalité, malgré les souffrances inouïes accumulées depuis tant d’années dans le terrible désert du Sahara oriental, notre volonté de vaincre subsiste, bien que ralentie, jusqu’au moment cruel où le véhicule radio s’ensable dans un marécage de sable pourri, prend plus de 60° de gîte sur sa gauche. Vite pelles, tôles. Nous en sommes à nos dernières gouttes de sueur et la fatigue touche aux extrêmes limites du supportable. Instinctivement, et sans vouloir me dérober au travail que poursuivent mes deux fidèles tirailleurs AMBELLINO et KAMDOUL (l’un du OUADDAI, l’autre du CONGO) je décide de me mettre sur “Ecoute”. Mon poste de TSF, un WS 11 britannique, est fixé sur la ridelle droite, intact et accessible. De suite j’entends dans les écouteurs le grésillement des signaux codés et j’identifie la manipulation de mon ami MATHOREL, à bord du Ford du Cne GEOFFROY.
Dix, vingt, cinquante, quatre-vingt groupes codés de cinq chiffres. Je sais que les cinq derniers répètent le préambule d’identification que j’ai loupé : il n’y a pas de vacation prévue en période de combat possible. Conscient de l’importance du message, je le signale par fanions. Mon appel est relayé de véhicule en véhicule vers l’avant. Un Bedford se détache et vient vers nous. Je remets au Cne TROADEC, du PC du Colonel, ce message miraculeusement recueilli qui ne pouvait nous parvenir au plus tôt que le lendemain dans la soirée. Il était adressé ce jour 4 Mars 1942 à la station de ZOUAR, qui devait le retransmettre vers l’avant. Mais ZOUAR est à 500 KM et les liaisons sont aléatoires. La 2è DC y signale son repli définitif vers le Tchad. LECLERC ne dispose plus que de la 1ère DC, avec un effectif et des moyens réduits. Le lendemain 5 Mars il modifie son plan de bataille. Avec 8 voitures de combat, dont la mienne, seule une patrouille sous ses ordres sera composée pour un bref combat, un baroud d’honneur. Nous sommes réfugiés dans la palmeraie d’UM EL ARANEB. Il est 14 h 30. Une nuée de chasseurs-bombardiers nous survolent, à notre recherche dans la grande palmeraie. Nous sommes un petit groupe autour du véhicule radio branché sur écoute du PC arrière. Pas d’émission, qui permettrait un éventuel repérage gonio. Il y a là le LT TOMMY-MARTIN, DUCRET chauffeur du Colonel, EMERISCH, GEROLD et moi-même. Le Colonel LECLERC vient se joindre à nous pour un instant. Il a son casque modèle 1939, sa canne fétiche à la main. Ses yeux bleus sont perçants comme des aiguilles d’acier. Tous les feux de lumière d’un soleil d’Afrique brillent au zénith, vers la Ramla de MOURZOUK. “Messieurs, dans moins” de dix minutes, nous allons nous battre à un contre dix. En aucun cas on n’abandonne personne.” Plus de 50 véhicules et engins blindés nous attendent à moins de deux km, appuyés par une nuée d’avions de combat et de bombardement, les deux “SAHARIANA” et la position fortifiée d’UM EL ARANEB en appui-feu.
Après un bref combat le Colonel debout face à l’ennemi s’est écrié dans notre direction “Ca suffit !”. Après avoir contourné la Gara EL HAM.MERA dans notre repli, il s’est assuré de la disparition de l’aspirant LEVY, de la récupération de deux tirailleurs du peloton du Cne MASSU qui erraient dans le désert.
Ainsi s’achevait cette mission. Notre guerre n’était pas terminée pour autant dans les heures dramatiques.
RAPPORT D'OPÉRATIONS DU 12 MARS 1942
RAPPORT D’OPÉRATIONS DU 12 MARS 1942
Exécution des prescriptions N/S 68/CSO du 12/3.
Journal de marche de l’unité – Résumé –
Peloton quittent la région de Wour (dépôt w) pour Uigh el Kébir par Korizo. Le premier peloton comptait 12 voitures Bedford 7 – 1500 kgs, 5 – 3T – le deuxième peloton 10 Bedford : 4 1.500 kgs – 6 – 3T et 3 Spa.
La veille le 3éme peloton, dit patrouille D avait quitté le dépôt W pour Uigh el Kébir par Toummo ; i1 comprenait 10 Bedford : 7-1500 kgs, 2 – 3T et 1 – 750 kgs n’emmenait qu’une 13,2 et un mortier de 81.
Le 27 Février la patrouille D réalisait la surprise à Uigh el Kébir, s’emparait du Chouf de Démazé (2 Askaris) et du Chouf de Uigh el Kébir (8 Askaris). Le 28 Février, elle filait vers le nord en passant au large de Gatroum et arrivait à la nuit sur la Ramla, ayant couvert dans la journée 30Km, pour ne pas être en retard sur les patrouilles de la 2e D.C. qui devaient se trouver le 27 à Témessa.
Le 1er peloton arrivé à Uigh le 27 derrière la patrouille D en partant le 8 à 11 heures pour s’emparer par surprise du poste de Gatroum vers 17 heures – Le premier mars, il se déplaçait de 15 Kms vers l’Est, le 2 et le 3 également.
Le 2e Peloton arrivait à Uigh le 28 à 9 heures et y était maintenu jusqu’au 2 mars.
Cependant, la patrouille D accompagnée d’un T.C d’essence et de 5 voitures FORD passait la Ramla le 1er au matin, défilait vers l’Ouest en vue de la palmeraie, ne coupait aucune trace fraîche et demeurait en observation durant la matinée dans le relief ouest d’Umm el ARANEB, à proximité de le piste de TRAGHEN. Le calme du secteur n’annonçait aucunement la présence des patrouilles de la 2e DC qui devaient se trouver les premières à Umm el Araneb (instructions verbales du colonel) et avaient du normalement alerter tous les postes, le chef de la patrouille D décidait de fêter dans la journée la résistance des postes de la région qui lui avait été impartie Oum el Araneb. L’opération sur Oum el Araneb avait été menée avec trop de vigueur et le décrochage n’était possible qu’au départ des avions ennemis, à la nuit.
Deux européens avaient été tués, 2 indigènes blessés dans les premiers mouvements d’un détachement à pied opérant sous la palmeraie au NO du fort, 20 coups de mortier de RI avait été tirés sur le fort, la mitrailleuse de 13,2 avant de répondre aux avions, avait réduit au silence les défenseurs sous créneaux. Le chef de la patrouille ne jugea pas utile de perdre encore du temps et peut-être du personnel UMM el ARANEB. Pensant- à la nécessité absolue d’une liaison avec les patroui1les de la 2e DC en vue d’un combat avec une ” saharienne “, objectif principal, il employa la journée du 2, sans souci des incessants bombardements et mitraillage d’avion, qui blessèrent le Sous- officier Radio (une bombe éclata dans l’arrière du camion radio) à patrouiller RU Nord de la ROFRA d’Umm el Araneb à ZUILA.
Dès l’aube du 2, la patrouille D coupa 15 traces fraiches 10 traces de jumelées, 5 de roues simples qui lui semblèrent aller vers ZUILA. Le bruit des moteurs de la saharienne avait été perçu pendant la nuit par le gradé de quart ; le TC de la patrouille avait été renvoyé vers le Sud quelques heures auparavant.
Le soir du 2, trouva la patrouille, liaison non faite avec la 2e DC, cherchant à redescendre sur Djebel TRAGHEN, mais fort empêchée par un ouadi non porté sur la carte, un large lit de Féch-féch. Après 3 tentatives successives qui reportaient la patrouille vers GODDMA, le chef décida de rejoindre TRAGHEN par le sud de la Hofra en contournant celle-ci au large d’UMM el ARANEB par l’itinéraire de la veille au soir. L’éclipse de lune fit perdre un temps précieux et la dernière inspiration de la nuit fut de tenter une dernière fois au jour la chance de trouver la 2e DC en retardant le départ vers l’ouest. La Gara isolée, 7 à 8 kms SE d’UMM el ARANEB reconnue le 1er à l’arrivée parut une position d’observation intéressante. Le chef et son navigateur y conduisirent la patrouille le 3 vers 3h30 ; reçus à 50 mètres à coup de mitrailleuse tirés du haut de le Gara, le chef pensa d’abord à une méprise et une patrouille de la ,2e DC le prenait pour l’ennemi il reconnut aussitôt sur la pente sud de la Gara des voitures différentes du CHEVROLET, qui se mirent en marche vers l’Est, tandis qu’un feu d’artifice de projectiles traceurs de 20 et de calibres au-dessus permettait à la patrouille de décrocher vers l’Est en se faufilent par section sous les trajectoires. Le chef de patrouille arrêta à 2 kms de la Gara sa 1er section qui décrochait vers lui. Ure voiture de la 2e section conduite par son Officier avait décroché Est Nord-est et n’avait pas rejoint. Le chef de patrouille retourna en arrière pour retrouver à 500 mètres de là (environ 1500 mètres de la Gara) la voiture de l’Aspirant LEVY intacte mais en panne d’essence (un réservoir vide, pompe désamorcée). Le chauffeur […] dépanneur de la section, s’apprêtait à remplir le réservoir, un bidon d’essence avait été déchargé, le chef de patrouille, à la question posée par l’Aspirant LEVY.
” Qu’est-ce que je fais ? répondit – ” Dépannez et rejoignez Puis il aperçut dans le clair de lune la ligne des voitures ennemies qui approchaient, pensa aux voitures de la 2e section qu’il n’avait pas encore revues, et file à leur recherche.
Il les rejoignait 500 mètres plus loin qui serraient en bon ordre sur la 1ère Section, quand se retournant, il constata l’embrasement de la voiture LEVY; le feu d’artifice italien retrouvait son intensité sur la patrouille, qui dut continuer à décrocher par bonds de 2 kms.
Le chef de patrouille espérait trouver derrière le Ramla le 1er et le 2e peloton qui devaient couvrir son décrochage (Instructions verbales du colonel). Il passa la Ramla sans aucun ensablement cependant que le feu italien se dirigeait vers le Sud avec intensité (rescapé voiture LEVY ?) et au jour s’arrêta aux premières garas MAGHDUL ; aucun élément ami ; les liaisons radio n’avaient jamais fonctionné. Après une attente de 1h30 pour LEVY et VEROT, le chef de patrouille se décida à redescendre pour prévenir la Colonel. Les voitures italiennes furent vues à ce moment sur les traces de la patrouille qui contourna les garas et revint sur le reg sableux, pour rencontrer aux GARET El GUERAT une patrouille du 1er peloton qui la conduisit au Commandement du Groupement 1 à 40 Est de CATROUN. Le soir du même jour, la patrouille D trouvait à GATROUN le Colonel avec une patrouille du 2e peloton. Le 2e peloton avait détaché le 2 cette patrouille avec le Colonel vers TEDJERE, elle fut attaquée par HEINKE.
Le 4 mars à 16h, les 1er et 2e pelotons avec le Colonel et le Chef de la patrouille D (celle-ci restant à GATROUN) partaient pour les GARET el GEURAT, où le 5, liaison avec LYSANDER était effectuée, les 2 indigènes de la voiture LEVY retrouvés et où le colonel obtenait des nouvelles des patrouilles de la 2e DC.
Dans la nuit du 5 au 6, la patrouille D rejoignait xxxx et la 1ère DC était enfin au complet pour attaquer la saharienne ; pas pour longtemps ; le colonel apprenant le décrochage du chef des patrouilles A et B renvoyait la patrouille D moins son navigateur et partait le 6 avec 8 voitures, dont 6 du 2e peloton (2 canons de 20) vers UMM el ARANEB, tandis que le 1er peloton et le reste du 2e attendaient aux GARET de MEJEDOUL qu’il les appelle par radio.
Le 6 dans la nuit le Colonel revenait, ayant trouvé la saharienne au poste d’Umm el ARANEB et décrochant en passant par la Gara inoccupée et l’emplacement où la voiture LEVY avait brulé. Dans la nuit du 6 eu 7 commençait le décrochage vers UIGH el KEBIR par les Garet el GUERET (stationnement le 7- 1 bombardier et 4 chasseurs ennemis à l’Ouest – aller et retour sur GATROUN, mission réussie des LYSANDER) le navigateur de la patrouille D était reparti sur GATROUN ordonné le décrochage vers UIGH pour le matin du 7.
Le 8 au matin la 1er DC se retrouvait au complet à UIGH. Le Colonel confiait une liaison d’action retardatrice au profit des méharistes à remplir à UIGH el KEBIR jusqu’à la nuit du 10 au 11. Le détachement de 3 AM était mis à ses ordres. Le Commandant de Compagnie laissait le 8 au soir la patrouille SPA du 2e peloton à le grande Gara DEMAZE, le détachement AM aux petites Garas Sud de celle-ci avec des ordres de détail pour le cas d’attaque par une saharienne ; il se portait avec le reste de le Compagnie à 10 Kms au Sud de façon à avoir devant le gros de ces forces la plaine d’UIGH eu terrain mou.
Le 9 ou matin le Colonel partait pour le Sud. Dans la journée, 2 reconnaissances d’itinéraire étaient effectuées chacune par 2 voitures, l’une par l’Ouest de DEMAZE l’autre par l’est; toutes deux positives. Un avion ennemi survolait UIGH vers midi. A 16h un bombardier et deux chasseurs atteignaient le détachement AM incendiaient la voiture de liaison des AM, tuaient dans son AM le Chef DEBEUGNY, à la même heure le Commandant de Compagnie faisait décrocher vers KOURZO la patrouilla D, le gros du 2e peloton et tout le TC.
Au départ des avions ennemie la patrouille SPA et les AM étalent récupérées et dans le nuit du 9 au 10, le Cdt de Compagnie faisait effectuer décrochage de 13 miles par le
poste de TOUMMO en se rabattant ensuite sur des Garas à bord franc, voisine de la piste de KOURO, dernière position lui permettent de continuer à remplir se mission (la piste de KOURO se sépare au Sud de ces Garas de la piste chamelière pour filer à 1’Est.
Le 10 à 9h30, un avion survole les garas lâche des bombes loin au Sud, mitraille au hasard. Aucune position ne paraissait plus favorable dans le secteur. A 15h un bombardier et 7 chasseurs survolent et repèrent, les chasseurs en 10 minutes de piqués, mettent le feu à 5 Bedford du 1er peloton (3 3T et 3 1500Kg), 1 Bedford 1500 Kg sanitaire, 1 SPA, I FORDSON de ravitaillement des AM, 7 indigènes sont brulés en cherchant à éteindre l’incendie de leur voiture, 1 chasseur est mis hors de combat par une 13,2 du 1er peloton. Les soins aux blessés la répartition des équipages pour les voitures rescapées, les réparations aux voitures à peu près toutes atteintes précédent le décrochage de nit qui s’effectue péniblement dans 1e féch-féch. Un autre camion de ravitaillement des AM qui ne peut-être réparé doit être incendié.
Le gros du 2e peloton avait laissé dans le Féch-Féch son dépanneur et un Bedford qui après un dépannage infructueux, de 6h doit être également détruit.
Toute la Compagnie avait passé KOURZO le 12, l’un des indigènes brulés mourait KOURZO le 13, un autre le 14 à ZOUAR où le 2e peloton et la patrouille D étaient arrivés le 13, le 1er peloton le 14.
CONCLUSION
Le manque de liaisons a empêché la 1er DC de réaliser davantage. Elle aligne comme résultats la capture des choufs de UIGH el KEBIR et UIGH es SEGUIR par la patrouille D ; la prise de GATROUN par le 1er peloton, magnifique coup d’audace du lieutenant DUBUT, la manifestation téméraire de la patrouille D qui, ne se sachant pas seule à agiter le secteur le 1er Mars, ne s’est jamais cachée, a infligé au moins des destructions, sans doute des pertes au poste d’UMM el ARABEB, a détruit un important dépôt ” volant ” d’essence de bombes et de cartouches d’avion, a fixé la position d’une ” saharienne “, a éprouvé son propre personnel et l’a aguerri ; enfin la dernière reconnaissance d’UMM el ARANEB par le Colonel et le 2e peloton dont les 2 canons de 20 ont répondu au feu de la ” saharienne ” devant le fort.
FEZZAN-TRIPOLITAINE NOVEMBRE 1942 - JANVIER 1943
FEZZAN-TRIPOLITAINE NOVEMBRE 1942 – JANVIER 1943 |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
(Sources FEZZAN-TRIPOLITAINE Novembre 1942 La Conquête du Avant la campagne
– – – L’activité s’était Des tranchées, des abris, des emplacements de Ces positions nouvelles présentaient un Elles étaient complètement Elles étaient vastes, plusieurs A GATROUN, à UMM EL ARANEB, les positions A BRACK, la position, non terminée La densité des feux à appliquer La présence des troupes allemandes au FEZZAN Ces prisonniers déclarent : LES MOYENS Unités, Base, PC
NOTA : De plus, la Section d’Artillerie COMPAGNIES DE TRANSPORT
AVIATION
3 Glenn Martin Maryland 5 Blenheim (reçus de la RAF en Septembre 1942) 5 Lysanders 1 Lockheed Hudson 1 Lockheed Lodestar 1 Potez 540 1 Beschcraft 1 Cant (prêté par la “Syref”)
QUELQUES
Incertitude sur la situation au nord du Fezzan, manque Le 21 novembre 1942, le Général ” Dans le but d’assurer que ces Toute la mise en place à Zouar devra donc Le lecteur pourrait être tenté de Il n’en est rien : un groupement de 4000 Le lecteur pourrait être tenté de Il n’en est rien : – – – Toutes les unités de 2e échelon La formation des guides est difficile. Il faut tout
– – – – Dans l’ensemble, la région de Zouar est A l’heure d’arrêt de la circulation du En fait, l’ennemi, malgré de nombreux survols Mais ce placement de dépôts Les dotations de première urgence furent
LA MARCHE D’APPROCHE ET LES 16 décembre 1942 – 4 La marche d’approche de nos troupes n’est – – – – – – – –
GATROUN Un détachement léger Ce détachement est pris en chasse vers 13 Dans la soirée, un de nos postes radio
MARCHE SUR UMM EL ARANEB Etablissement d’une position de 26 Décembre – 1er Janvier
La marche en avant du groupement est reprise Tout à coup, il est environ 6 heures
LE CAMOUFLAGE
Dans l’après-midi, bombardement et A partir de ce jour, nos camions vont se garnir, Au cours des déplacements des jours suivants,
LE BLESSE ITALIEN
Le blessé succombera à ses
UMM-EL-ARANEB
Dès le 4 janvier au matin notre – – – – – –
L’ERREUR
A la question posée : – – L’officier italien demande à se retirer un
LA CAPITULATION
Bientôt une longue colonne sort de la position – –
A BRASH
La 7 il faut prisonnier un capitaine italien qui vient
CAPITULATION D’UN
Le lieutenant Mahe découvre les fuyards
OCCUPATION DE MOURZOUCK
Deux jours plus tard, le 11 janvier 1943,
LA RAPIDITE
Cette action est un modèle de En deux jours et demi, le Gouvernement d’Abzac, parti de Une action comme celle-là ne Elle tient en quelques brefs – – – – – Le 28, le général commandant l’est ” La croix de Lorraine flotte sur Derg et
CAPITULATION DE SCHIUREF
La 10, le détachement Alaurent est en vue de
MARCHE VERS MIZDA PAR LA
Une immense étendue plate et très Il faut maintenant descendre la falaise. La chute est A la tombée de la nuit, le groupement en Un brouillard extrêmement épais Le demi peloton Troadec n’a pu atteindre le bord
ENTREE A TRIPOLI – LA MER
Ils ont d’abord traversé rapidement la ville ” direction ” Direction Ils s’arrêtèrent. Ainsi s’arrêtèrent en Novembre 1918 La colonne de nos véhicules longe ensuite les Des britanniques, au passage lançaient Nos hommes se sentaient mal à l’aise, Leur mission :
TRANSPORTS PAR AVION
Il est aussi, dans cette dernière campagne, Le total de ces transports s’est Le total de la première colonne
VERS L’UNION
L’intérêt de ces Peu d’évènements eurent au cours En voici quelques témoignages : A Mizda où nos troupes se referment pour la ” Général Giraud ” Bravo…félicitations à ” Ouargla – Général Delay ” Extrêmement touché par (ce télégramme a En Tunisie délivrée, à Un délégué de la ” La population de Gabes accueille avec De la France entièrement occupée, Il nous sera certainement alors affirmé la
TABLEAU INDIQUANT
– –
SCHEMA DE TRANSPORT DE
De Fort Archambault à – – – – Au total, le transport effectué sans
Calcule effectué par le Chef d’Etat major.
La possibilité pour l’ennemi de faire C’est donc pour un mois de battement une perte de Le guide s’oriente par repères successifs On s’apercevra plus tard que ce drapeau blanc, vu de nos |
LETTRE DE LECLERC DU 21 OCTOBRE 1942
LETTRE DE LECLERC DU 21 OCTOBRE 1942 AUX COLONELS DU GABON, CAMEROUN, TCHAD…
Le Général Leclerc, Commandant Supérieur des Forces de l’Afrique Française Libre
A Monsieur les colonels du Tchad
Cameroun
Oubangui
Gabon
Forces Nationales
Commandant Bton Pool
Archives
J’ai vu le 27 Octobre 1942, à son passage à Brazzaville, Monsieur Blondi, qui était ministre de France à Sofia, il y a encore un mois et demi.
Après avoir servi loyalement le Gouvernement de Vichy pendant deux ans, il vient de se rallier au Général de Gaulle.
Ses déclarations sont particulièrement intéressantes du fait de sa situation, puisqu’il recevait encore il y a deux mois, les ordres les plus secrets du Gouvernement de Vichy et qu’il était parfaitement au courant de la situation en France.
Il est du Nord, semble d’un naturel très calme et pondéré.
Voici les parties les plus intéressantes de ses déclarations :
Situation en France : le maréchal Pétain et par le fait même son Gouvernement ont été respectés et loyalement obéi par une grande partie de la Nation dans les mois qui suivirent l’Armistice. Leur autorité n’a cessé de décroître, surtout depuis quelques mois. Les allemands s’en rendent parfaitement compte et, en fait actuellement en France, il n’y a plus que deux choses : l’Autorité allemande d’une part, l’Opinion publique de l’autre.
On ne parle plus du mot ” collaboration ” (ces déclarations semblent corroborées par les émeutes survenues depuis à Lyon).
La haine du Boche ne cesse d’augmenter et rallie maintenant à peu près l’unanimité de la Nation.
Indiquer une proportion de gaullistes semble difficile. Il y en a partout et beaucoup.
Dans l’action du général de Gaulle, ce qui soulève littéralement l’enthousiasme de tous les Français, ce sont les opérations militaires, si réduites soient-elles, car elles effacent l’humiliation nationale (ceci est encourageant pour nous : prendre un poste italien, si peu important soit-il soutient le moral des Français).
La marine constitue toujours le principal pilier de la servitude allemande. C’est ainsi qu’à Sofia, l’attaché naval français était personna grata auprès des autorités allemandes et avait ses entrées libres dans tous les bureaux du Commandement naval allemand, très important à Sofia (Mer Noire, Mer Egée,…).
Consignes de Vichy concernant les évènements possibles à venir : Vichy donne comme consigne à ses subordonnés de se ranger du côté de celui qui gagnera, mais le plus tard possible, ” 5 minutes avant la fin ” (texte de la directive de Vichy).
Opinions des neutres : ceux-ci sont convaincus, presque plus que nous, que l’Allemagne ne peut plus gagner la guerre et que la machine allemande s’est usée en Russie.
Conclusion personnelle : ces déclarations ne peuvent que nous encourager car elles semblent prouver que si certaines actions, même alliées, n’ont pas encore compris le problème français, les Français eux l’ont, dans leur ensemble, bien compris.
En outre, cette déclaration faite par un fonctionnaire civil, diplomate de carrière, nous prouve bien que le point capital de notre Mouvement c’est l’effort de guerre, et n’est pas à perdre de vue dans les difficultés quotidiennes avec certaines autorités.
Brazzaville le 21 Octobre 1942
Le Général Leclerc, commandant Supérieur
Des Forces de l’Afrique Française Libre
Leclerc.